L’exposition rétrospective César au Centre Pompidou (du 16 décembre 2017 au 25 mars 2018) est l’occasion de revenir sur l’oeuvre incontournable du sculpteur marseillais ! Il est très connu pour ses sculptures iconiques de pouce de toutes les dimensions, et bien sûr pour ses compressions : pressées par une gigantesque machine, ses carcasses d’automobiles sont métamorphosées en des objets artistiques où se mélangent couleurs et matières de façon radicalement nouvelle. Mais son oeuvre est loin de se limiter à ces deux séries : des sculptures en tôle de fer aux expansions de mousse polyuréthane, en passant par ses objets vintage enveloppés de feuilles de plexiglas, César expérimente et invente des formes toujours nouvelles.

J’ai eu la chance d’assister à une rencontre avec la co-commissaire de l’exposition de Pompidou Bénédicte Ajac (grâce au Barter Club), qui nous a expliqué la démarche de l’artiste. César ouvre des chantiers les uns après autres, qu’il mène de front. Il n’a par exemple jamais laissé de côté la sculpture « classique ». Même dans le geste radical des compressions, il se réapproprie toujours le travail du sculpteur. C’est avant tout pour cela que les commissaires ont choisi une scénographie ouverte, avec simplement quelques cloisons mais pas de salles séparées. Idée géniale, qui permet au visiteur d’embrasser du regard l’ensemble du travail de César et de circuler librement dans l’espace.

Les débuts de César
César vient d’une famille modeste, sans accès à l’art autre que ses cours de dessin à l’école. Pourtant les dessins du jeune César montrent déjà son talent, et on lui conseille de se lancer dans des études artistiques. Ses parents l’inscrivent alors aux Beaux-Arts de Marseille, puis de Paris. Il habite alors logiquement dans le quartier des artistes, Montparnasse. Il y rencontre Giacometti, qui l’initie à la sculpture, puis Picasso dont il devient un très bon ami.
Pourtant il vend peu jusqu’à ce Salon en 1955, où sa statue de poisson est acceptée in extremis grâce à l’intervention de Germaine Richier (l’élève de Bourdelle, dont une sculpture a été présentée récemment dans l’exposition « Bourdelle et l’Antique » au musée Bourdelle). Sa sculpture sera achetée par le Musée National d’Art Moderne… C’est le début du succès !

Un sculpteur populaire et universel
César devient alors l’un des rares sculpteurs populaires, à l’oeuvre accessible à tous et qui déclenche des émotions universelles.
Certaines de ses œuvres utilisent certes des références culturelles (comme le Petit déjeuner sur l’herbe en référence à Manet, qu’il représente avec uniquement un collage de deux vues différentes du panier de pique-nique). Mais la plupart du temps tout le monde peut les apprécier : même sa sculpture de Centaure est certes une référence mythologique, mais qui parle à tous.


Dans la veine du Nouveau Réalisme des années 60, le sculpteur va jusqu’à chercher une forme de démocratisation de l’art, pour le rendre accessible à tous. Il réalise des performances en extérieur et invite le public à participer. Cette volonté de partage reste très forte dans l’art contemporain, elle m’a notamment rappelé le travail de Tadashi Kawamata que j’ai découvert récemment à la galerie Kamel Mennour.
Le Nouveau Réalisme s’exprime également dans son utilisation de matériaux de rebut, qui leur donne une deuxième vie et les rend à nouveau désirables. Transformés en œuvres d’art, on voudrait à nouveau les posséder ! Cette démarche le rapproche de Jean Tinguely, que j’ai découvert il y a 2 ans lors de sa rétrospective à la galerie Vallois.


César entre classicisme et avant-garde
César mélange sans complexe figuration et abstrait. À partir d’un même matériau (le fer), ses animaux côtoient des assemblages de plaques de fer plutôt conceptuels. Car ce qui compte pour lui ce n’est pas vraiment le sujet, mais bien plus la plastique, les formes que le matériau peut faire surgir, et la façon dont l’espace est modifié par la sculpture.
Il n’hésite donc pas à expérimenter encore et encore les potentialités des matériaux les plus divers. Les sculptures en fer expriment son côté « avant-garde » et ont beaucoup marqué par l’utilisation des vides : c’est radicalement nouveau !

Les Victoires de Villetaneuse
Les grandes séries de César : Compressions, Expansions, Pouce…
César a réalisé plusieurs séries de compressions à différents moments de sa vie, elles sont toutes fascinantes. À hauteur d’homme, les sculptures sont comme des totems parmi lesquels on peut déambuler. Si elles montrent comment César se nourrit du hasard, les dernières portent cependant davantage la main de l’artiste, avec des couleurs vives choisies par César (on les appelle « compressions dirigées »).

Il est aussi l’inventeur de cette mousse polyuréthane qui se répand dans l’espace, créant les formes les plus inattendues. César modifie le matériau brut pour obtenir toutes sortes de rendus : mates, brillants, polis ou rugueux… Cette série appelée « Expansions » commence en 1967. César mettra longtemps pour réussir à figer cette mousse et à la rendre solide. Grâce à de la fibre de verre poli, laquée et relaquée, il parvient à la forme parfaite et pérenne. Ce style peut d’ailleurs rappeler celui de Jeff Koons.

Quant au fameux pouce, il a été créé à l’occasion d’une exposition du galeriste de César, Claude Bernard, sur le thème de la main. Adepte des idées simples mais puissantes, le sculpteur réalise un moule de son propre pouce, qu’il agrandit à l’aide du procédé du pantographe. Il le reproduira en différentes matières : ma préférée est la résine rouge ! Il utilisera plus tard le même procédé pour agrandir le sein d’une danseuse du Crazy Horse (après avoir essuyé le refus de Brigitte Bardot de lui donner l’empreinte du sien !).

En résumé : l’oeuvre de César, entre diversité et originalité
César peut donner l’impression de se contenter de décliner quelques motifs, mais en réalité il invente en permanence. Ses sculptures ont quelque chose d’hypnotique par leur matière, leurs formes et leurs couleurs. Un peu oublié ces 20 dernières années, il a été remis à l’honneur par cette excellente exposition au Centre Pompidou qui montre toute la diversité et l’originalité d’une oeuvre qui a marqué l’histoire de la sculpture.
