Laissez-vous surprendre par Maurizio Cattelan à la Monnaie de Paris

L’artiste italien, qui avait annoncé sa retraite en 2011, fait son retour à la Monnaie de Paris… Et c’est tant mieux !
Dans les magnifiques salons aux tentures rouges et dorées, l’artiste expose ses œuvres les plus marquantes et montre qu’elles n’ont rien perdu de leur force.
Sans être forcément mon exposition préférée de cette fin d’année, « Not afraid of Love » m’a fait ressentir des émotions que j’éprouve rarement lors de mes visites : de la surprise, de l’amusement, mais aussi du choc, du malaise, voire presque du dégoût parfois.

Le suspense est véritablement présent dans l’exposition, je vais donc essayer de ne pas trop en dire pour vous laisser expérimenter pleinement ce parcours étonnant.

Dès la montée du grand escalier pour accéder aux salons, on aperçoit une sculpture étrange accrochée au mur : une femme clouée à une sorte de lit, qui s’avère être le fond d’une caisse de bois. Jambes serrées mais bras écartés, elle semble subir une véritable crucifixion. La sensation de malaise est forte… Elle s’est renforcée chez moi quand, une fois en haut de l’escalier, j’ai découvert le cheval tombant du plafond. Il pend tristement, vidé de toute son énergie, comme un pantin déchu. Bien loin des statues équestres classiques de propagande à la gloire des chefs politiques (tel le monument commandé par Napoléon III à Bouchardon, que j’évoque ici), le cheval a perdu toute sa superbe.

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La Donna (2007) et Novecento (1997)

Dans la salle suivante, le Pape Jean-Paul II est figuré à terre, écrasé par ce qui semble être une météorite tombée du ciel. Il s’accroche à sa férule crucifère, ce bâton liturgique qui symbolise son pouvoir, comme si elle pouvait encore le sauver. Pourtant d’après Cattelan lui-même, cette sculpture n’est pas « anti-catholique ». Au contraire, si Jean-Paul II est ainsi écrasé par un poids qui semble insurmontable, c’est bien parce qu’il a conscience de sa tâche difficile de chef des croyants.

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La Nona Ora (1999)

Soudain, le visiteur est interrompu par un grand bruit de tambour, presque strident. Pour savoir d’où il vient… N’hésitez pas à lever les yeux !

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Sans titre (2003)

Poursuivez ensuite dans l’enfilade des salles, et encore une fois n’oubliez pas de regarder en l’air : parmi les pigeons, un mini Cattelan vous observe, perché sur le bord de la moulure du plafond. Cette marionnette a les traits de l’artiste, est-ce son double ou sa conscience, une sorte de Jimini Cricket ? Pourquoi s’isole-t-il de cette façon, a-t-il peur d’affronter le monde d’en bas ? La peur de l’échec est en effet un thème récurrent chez Cattelan. Peut-être est-il simplement voyeur, aimant voir sans être vu…

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Mini-Me (1999)

Plus loin, voici l’emblématique sculpture de l’exposition : le double de Cattelan, cette fois de taille humaine, émerge du parquet en bois troué. L’œuvre évoque un cambriolage (après tout, nous sommes à la Monnaie de Paris !) ou peut-être simplement une provocation de l’artiste, qui « hacke » le parcours établi et affirme sa liberté à visiter l’exposition comme il l’a décidé. Il semble conseiller au visiteur de faire comme lui, de ne pas se soumettre aux institutions muséales et de garder sa liberté de regard.

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Sans titre (2001)

L’œuvre suivante est vraiment troublante. Un petit garçon de dos est assis à une table d’écolier. Il a une capuche, son visage est caché. Il faut traverser toute la salle pour le découvrir. En m’approchant, j’ai été saisie par une sorte de peur de ce que j’allais voir… La vue du personnage de face est effectivement assez dérangeante, je vous laisse en faire l’expérience !

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Charlie don’t surf (1997)

Le malaise est toujours présent dans la salle suivante, avec ce cheval à la tête invisible : on ne sait pas très bien s’il est « coincé » dans le mur ou si sa tête a vraiment été coupée. C’est encore une fois le cheval déchu, une vision plutôt désagréable.

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Kaputt (2007)

Mais ce sont surtout ces gisants alignés qui sont à la frontière du traumatisant : ces linceuls de marbre alignés rappellent des images d’exécution… Même si rien ne nous confirme que ce sont véritablement des cadavres cachés sous ce tissu de marbre, l’évocation est terrible.

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All (2007)

Comme pour détendre un peu le visiteur après ce spectacle difficile, le double de Cattelan réapparaît. De taille enfantine, il est cette fois accroché au mur. Bien que complètement impuissant, il a une expression ironique, comme s’il voulait nous dire : « vous voyez, malgré tout ce qui se passe ici, je suis facile à désarmer ».

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Sans titre (2000)

La dernière œuvre est de loin la plus perturbante car ce que l’on découvre est complètement inattendu. Ce petit personnage de dos semble être un enfant. Il est certes un peu étrange qu’il porte un costume, mais pourquoi pas. Je vous laisse pourtant vous approcher pour le voir de face… Vous ne serez pas déçus !

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Him

C’est donc la deuxième exposition d’art contemporain dont je vous parle cette semaine qui inclue le mot « Love » dans son titre. Et pourtant, elle est bien loin de celle de Francesco Clemente ! J’espère vous prouver ainsi l’extrême diversité des propositions d’art contemporain, même sur un thème commun. Cattelan nous fait passer de choc en choc et manie aussi bien l’humour que le macabre. Son exposition est une véritable expérience à vivre à la Monnaie de Paris, 11 quai de Conti à Paris, jusqu’au 8 janvier 2017.

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