« From Walden to Space – Chapter II : The Hut », de Stéphane Thidet

J’ai eu la chance de visiter le musée Delacroix – rue de Furstenberg dans le 6e arrondissement à Paris – pendant la FIAC (Foire Internationale d’Art Contemporain).

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Vue de l’ancien atelier de Delacroix depuis le jardin du musée

Dans l’ancien atelier du peintre, aujourd’hui salle d’exposition attenante au musée principal, était exposée une œuvre contemporaine de Stéphane Thidet, From Walden to Space – Chapter II : The Hut.

Cette œuvre représente un module spatial habitable en bois, dont s’échappe une mystérieuse bande son électronique. Elle fait référence à la capsule de la mission Mercury Seven, qui a envoyé des hommes dans l’espace en 1958, ainsi qu’au livre Walden ou la vie des bois (1854) d’Henry David Thoreau.

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L’oeuvre de Thidet installée au milieu de l’ancien atelier de Delacroix

L’œuvre m’a immédiatement plu, peut-être en raison de l’effet étonnant de cette sculpture aux sons étranges, dans une salle dont les tableaux évoquent les liens entre Delacroix et Georges Sand (notamment leur fascination commune pour les thèmes shakespeariens). Peut-être également parce qu’elle a évoqué pour moi des souvenirs de films vus et appréciés récemment (Gravity, Interstellar…).

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Les enceintes à l’arrière de l’oeuvre laissent s’échapper une bande son de musique électronique surprenante pour le visiteur

Pour aller plus loin, il faut savoir que l’utilisation du bois pour cette sculpture est en lien avec la cabane dans la forêt construite par l’écrivain Thoreau lui-même, et dans laquelle il a vécu plus de deux ans au rythme des saisons. Attention, ce n’était pas Into the Wild, Thoreau allait régulièrement dans la ville voisine voir ses amis ! Mais il produisait sa propre nourriture et a développé suite à cette expérience une conscience écologique forte.

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L’œuvre évoque donc les questions de l’isolement, de la solitude sur Terre ou dans l’espace, mais aussi de la contemplation ou de l’homme comme créature insignifiante parmi la majesté de la forêt ou l’immensité de l’univers. En ce sens, la sculpture et sa bande son seraient une invitation à la méditation, comme peut le faire l’homme seul dans sa cabane ou l’astronaute dans son module, tous les deux confrontés à la grandeur de la nature. Les espaces clos de la cabane et de la cabine suscitent alors paradoxalement une forme d’ouverture sur le monde qui nous entoure, loin de l’agitation habituelle de la vie en société.

Il y a également l’idée d’autonomie de l’homme capable d’affronter seul les éléments et de s’en sortir grâce à ses capacités manuelles de bâtisseur et à son auto-suffisance agricole d’une part, et grâce à ses connaissances technologiques et à son entraînement à la vie spatiale d’autre part.

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Vue de l’intérieur de l’oeuvre

Mais peut-être l’artiste a t-il voulu au contraire opposer une quête vaine d’autres espaces, d’autres planètes, avec la plénitude du retour à une vie plus proche de la nature et respectueuse de la planète que nous possédons déjà – au lieu d’aller en rechercher d’autres ?

Cela permettrait d’expliquer ce choix du bois comme matériau de construction du module spatial : on a beau avoir un engin de haute technologie, il est finalement aussi fragile que du bois au regard de la puissance de l’univers, et l’homme est bien vain de s’en remettre à lui et de dédier sa vie à cette recherche spatiale… Alors qu’il pourrait profiter d’une Terre susceptible de le combler entièrement, s’il était seulement capable d’en prendre conscience et de la respecter.

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Mais ce ne sont que des interprétations personnelles, car je n’ai lu aucune « analyse officielle » de cette œuvre. Mais elle m’a paru riche car intrigante et posant des questions à la fois profondes et d’actualité. Et l’association des deux situations de voyage spatial et d’expérience en pleine nature interroge sur les intentions de l’artiste : a-t-il voulu mettre en avant les similitudes de ces deux expériences solitaires, ou au contraire faut-il interpréter plus littéralement la proposition d’un module en bois comme inutile et renvoyant à la vanité de nos aspirations spatiales ? Toute interprétation est possible à qui accepte de se projeter dans l’œuvre.

Stéphane Thidet expose actuellement d’autres œuvres dans l’Abbaye de Maubuisson près de Paris. Vous en trouverez une analyse intéressante sur le blog La République de l’Art, qui les met en lien avec l’exposition de Tarik Kiswanson dans une autre abbaye, celle du Collège des Bernardins dans le 5e arrondissement à Paris (où Stéphane Thidet a lui-même exposé il y a quelques mois).

N’hésitez pas à suivre le travail intrigant et troublant de cet artiste, régulièrement exposé à la galerie Aline Vidal à Paris.

Photos : From Walden to Space-Chapter II / the Hut – Stéphane Thidet, Bois, instruments de musique électronique – Galeries Aline Vidal et Laurence Bernard.

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