Cette charmante statuette féminine est conservée au Louvre, dans la galerie dédiée à la Grèce pré-classique d’environ 3000 à 490 avant JC (elle est accessible en entrant dans le musée côté Denon, dans l’entresol à gauche).
Réalisée en calcaire, elle date d’environ 640 avant JC et a une histoire bien étrange… Originaire de Crète, elle atterrit 26 siècles plus tard dans la ville d’Auxerre, où elle est acquise en 1895 par le concierge du théâtre de la ville ! Après avoir été utilisée dans des opérettes, elle est conservée par le musée municipal d’Auxerre, avant de faire son entrée au Louvre en 1909.
La jeune femme porte une robe fourreau bien marquée à la taille, et une délicate pèlerine couvre ses épaules. Mais ce sont surtout ses cheveux et son visage qui frappent le visiteur : sa chevelure épaisse en triangle encadre un long visage aux lèvres épaisses et aux yeux ronds.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, il faut imaginer que tout son vêtement, comme pour la plupart des statues grecques, était peint de couleurs vives et contrastées (bleu profond, rouge vif, jaune d’or). Nous le savons grâce à l’analyse de traces de pigments dans la pierre, invisibles à l’œil nu. Loin de cette pureté du marbre blanc que nous associons à l’art grec, les anciens étaient plutôt adeptes de couleurs tranchées, que nous qualifierions peut-être aujourd’hui de kitsch !

Cette sculpture est représentative du style « dédalique » en référence à Dédale, l’architecte mythique du labyrinthe qui enferme le monstre Minotaure en Crète. Elle est typique de la période « orientalisante »de l’art grec au 7e siècle avant JC. Elle montre la primauté donnée à la figure humaine, par rapport à la période précédente dite « géométrique » (-1000 à -700 environ) qui favorisait un décor fait de bandes, de chevrons, de damiers… avec des figures humaines très stylisées et quasi géométriques également – vous pouvez en voir un exemple marquant avec le vase ci-dessous.

Au contraire à partir du 7e siècle, la Grèce subit l’influence de l’Empire Assyrien, avec l’arrivée de mobilier et de textiles importés depuis la Phénicie, la Syrie ou l’île de Chypre. Les liens avec l’Egypte pharaonique se développent également, surtout après que les Grecs ont aidé à la libération du pays conquis par les Phéniciens dans les années -660. Les Grecs sont aussi de plus en plus influencés par les motifs orientaux : la chevelure et les traits du visage de la Dame d’Auxerre en sont le témoignage.

Cette évolution se voit aussi dans la céramique, comme en témoigne le vase loutrophore d’Analatos conservé au Louvre. Datant de -690, il servait au transport de l’eau du bain pour les cérémonies nuptiales. On y voit des crinières de chevaux représentées à l’orientale, des scènes de danse et des joueurs de flûte double typique du divertissement oriental, mais aussi l’apparition d’animaux fabuleux comme le Sphinx (ici créature 1/3 lion, 1/3 aigle et 1/3 homme). Les traits des visages et le dessin des vêtements y sont beaucoup plus souples que sur les vases antérieurs.

Cette époque est également celle de la colonisation grecque en Méditerranée : les Grecs implantent plus de 200 nouvelles cités indépendantes en Thrace, sur les bords de la mer de Marmara et de la mer Noire, dans le sud de l’Italie, en Sicile et jusque dans le sud de la France actuelle et en Catalogne. Après avoir été inspirés eux-mêmes par l’Orient, voilà de quoi permettre aux Grecs d’influencer à leur tour l’ensemble du monde Méditerranéen avec leurs productions artistiques !