L’ex-Biennale des Antiquaires cherche depuis quelques années à faire peau neuve : devenue salon annuel, elle est renommée « Biennale Paris » en 2017. Le Président du SNA (Syndicat National des Antiquaires), Mathias Ary Jean, s’efforce de redorer le blason de cet événement qui semblait en perte de vitesse : diminution du nombre d’exposants, disparition progressive des grands joailliers… Mais sous la verrière du Grand Palais, baignée de lumière, la magie du « plus grand cabinet de curiosités du monde » opère toujours. En passant de stand en stand, il est difficile de ne pas s’émerveiller devant les meubles finement travaillés, les toiles de grands maîtres ou les objets d’art précieux.
Pour cette 30e édition, le couturier et artiste Jean-Charles de Castelbajac a été chargé de designer l’espace central du salon. Avec lui, c’est aussi le vocabulaire qui change : il parle de l’exposition consacrée à Napoléon comme du lancement d’une nouvelle marque de luxe. Couronnant la cage miroitée qui abrite des pièces issues de la collection de Pierre-Jean Chalençon, son « Carrousel Céleste » de bannières colorées se déploie comme un rêve.

Le choix de mêler l’Histoire et le contemporain est donc au cœur de cette édition 2018. Une autre preuve en est la présence pour la première fois de la galerie Glénat, issue des éditions de bandes-dessinées du même nom, qui symbolise le souffle de modernité de cette nouvelle Biennale.
Autre intention délibérée : renforcer la transparence. Lors du point presse, Mathias Ary Jan a insisté sur l’importance des commissions d’expertise chargées d’authentifier les objets et de redonner confiance aux collectionneurs. Les directeurs des CNE (Compagnie Nationale des Experts) et SFEP (Syndicat Français des Experts Professionnels) ont eux-mêmes rappelé qu’aucun objet ne peut échapper à leur inspection (chacun est visé par un tampon) et que « le doute profite au visiteur ».

Le SNA recherche également davantage d’ouverture. De jeunes galeries sont présentes cette année, et la Biennale sera en accès libre pour la première fois pendant les Journées Européennes du Patrimoine (seulement le samedi entre 18h et minuit). Cependant il reste beaucoup à faire. Une offre de médiation est à mettre en place pour toucher véritablement les néophytes. Sur le plan international, un tiers des galeries présentes sont étrangères mais elles sont essentiellement européennes. Quant au dîner exclusif de pré-ouverture, destiné avant tout aux grands collectionneurs, il contribue à renforcer l’image d’élitisme de l’événement.

En tout cas, en parcourant les allées du Salon, le visiteur comprend vite que la Biennale n’est plus seulement synonyme de reconstitutions historiques et de meubles de style XVIIIe. En plus des traditionnels stands d’antiquaires où s’entassent meubles et objets d’art ancien en bronze doré, la Biennale accueille des galeries d’art européen comme étranger, moderne comme contemporain. Voici un aperçu de 10 pavillons illustrant la diversité d’un Salon en quête de renouvellement :
1- Le plus historique – Le pavillon de l’exposition « Napoléon » de Jean-Charles de Castelbajac
Le pavillon central, conçu comme une boîte réfléchissante surmontée d’immenses bannières colorées, expose 30 pièces choisies de la collection de Pierre-Jean Chalençon. Personnage haut en couleurs passionné par Napoléon, Chalençon a réuni plus de 2500 oeuvres et objets liés d’une façon ou d’une autre à l’Empereur. Les pièces sélectionnées pour la Biennale dévoilent l’intimité du pouvoir, depuis le bâton du sacre de Napoléon jusqu’au pyjama de son fils le Roi de Rome. Un écrin qui a toute sa place dans ce Salon encore très patrimonial.

2- Le plus pop – Galerie Glénat
La Biennale innove cette année en accueillant la maison Glénat, éditrice de bandes-dessinées mais aussi galerie exposant des planches originales de ses créateurs. Avec notamment le dessin grand format d’Enki Bilal, troublant de surréalisme en couleurs pastels, la BD se fait véritablement art.

3- Le plus japonais – Galerie Tanakaya
La délicatesse des nombreuses estampes d’Hiroshige ou Hokusai exposées happe le visiteur qui ne peut s’empêcher de détailler ces paysages ou ces scènes d’intérieur raffinées. De l’autre côté, comme en écho, on redécouvre le trait subtil de Foujita, artiste japonais installé à Paris pendant les années folles et exposé au musée Maillol au printemps dernier.

4- Le plus moderne – Galerie Hélène Bailly
Que de noms célèbres dans ce pavillon où Renoir côtoie Marquet, où Van Dongen répond à Gauguin… Entre Impressionnisme et Post-impressionnisme, Fauvisme et Ecole de Paris, jusqu’à l’inclassable Picasso, la galerie offre l’un des plus beaux panoramas de l’art moderne devenu presque classique.
5- Le plus flamand – Galerie Florence de Voldère
La scénographie tamisée du stand fait ressortir les couleurs des toiles flamandes des XVIe-XVIIIe siècles exposées ici. Pieter Brueghel le Jeune, Martin Ryckaert, Josse de Momper le Jeune… Délicatesse de la touche et subtilité des détails pour ces scènes souvent peuplées d’une multitude de petits personnages affairés.

6- Le plus extra-européen – Galerie Ming-K’I et A. & S. Janssens
L’art précolombien et chinois ancien est à l’honneur dans ce pavillon aux objets vénérables. Un récipient rituel de cuisson chinois datant de la dynastie des Zhou orientaux (VIII-Ve siècle avant J.C !) en est la star – mais il est interdit de le photographier. Les figures qui l’entourent sont tantôt dansantes, tantôt figées dans une solennité sereine, toujours émouvantes.
7- Le plus art déco – Costermans
L’art déco est forcément très présent dans toutes les éditions de la Biennale. Cette année, le stand du belge Costermans retient particulièrement l’attention avec ses superbes meubles, sa paire de candélabres d’époque Louis XVI ou encore ses tableaux anciens.
8- Le plus bling bling – La pendulerie
Du doré en veux-tu en voilà dans ce pavillon consacré à la période du XVIIIe siècle à l’Empire, où chaque horloge est plus clinquante que sa voisine. Du brillant à profusion pour nous en mettre plein les yeux !
9- Le plus antique – Cahn
L’art antique n’est pas oublié à la Biennale. Le stand du suisse Cahn expose des pièces admirables, du buste de taille humaine à la petite statuette, en passant par les bijoux. On y trouve notamment une coupe du VIe siècle avant J.C., ou encore une tête de jeune homme de l’époque d’Auguste.
10- Le plus contemporain – Opera Gallery
Pour finir, j’ai été ravie de retrouver la galerie Opéra, que j’avais découverte à Dubaï. Spécialisée en art moderne et contemporain, ce sont surtout ses peintures et sculptures contemporaines qui attirent l’œil et qui viennent compléter le large panel de création de la Biennale.
Informations pratiques :
- Grand Palais, 3 avenue du général Eisenhower, 75008 Paris
- Jusqu’au 16 septembre, ouverture de 12h à 20h (sauf le dimanche 16 septembre – fermeture à 18h)
- Nocturnes le jeudi 13 septembre jusqu’à 22h30, et le samedi 15 septembre jusqu’à minuit
- Tarifs : 35€ plein, 30€ réduit, 20€ moins de 26 ans, gratuit moins de 12 ans
- Également gratuit pour tous le 15 septembre de 18h à minuit dans le cadre des Journées Européennes du Patrimoine