Depuis les premières dynasties autour de -3300, les égyptiens ont des conceptions funéraires très élaborées. Selon eux, la survie après la mort est liée à une habitation : leurs tombes ont donc la forme d’un palais ou d’une maison, où l’on dépose de la nourriture et des boissons qui seront utiles au défunt dans le monde des morts.

La pyramide est une version plus élaborée de demeure éternelle, réservée au pharaon. Elle se compose d’une entrée suivie d’un couloir, aboutissant à une antichambre. Celle-ci donne sur 2 chambres : l’une à l’Est, l’autre à l’Ouest contenant le sarcophage du défunt.


La chambre Ouest est souvent recouverte de textes du sol au plafond. Ils sont destinés à être lus par le défunt roi, afin de lui permettre de sortir de la pyramide et de rejoindre les étoiles les plus brillantes dans le ciel (Grande Ourse, étoile polaire, Orion et Sirius), afin de devenir… indestructible !

Mais à partir des années -2000, une guerre civile remet en cause l’omnipotence du pharaon, ayant seul droit à une vie glorieuse après la mort. La survie post-mortem devient donc petit à petit possible pour tous, pourvu que le corps du défunt soit préservé et soit nourri grâce aux offrandes déposées dans la tombe. C’est pourquoi les égyptiens économisent autant que possible pour bénéficier d’un rituel de momification de qualité, afin de préserver leur corps au mieux.

L’objectif du défunt est d’accéder au monde de l’au-delà, et plus précisément au paradis égyptien, le « Champ des roseaux » où la plénitude éternelle est assurée. Pour y parvenir, il peut utiliser les textes inscrits sur son sarcophage. Mais de plus en plus à partir de -450, il dispose d’un ensemble de rouleaux de papyrus constituant le fameux Livre des Morts, objet de fascination encore aujourd’hui (de multiples romans ou films comme La Momie en font un objet mystérieux et magique) !

Ce livre fait à l’avance coûte 2 ans de salaire d’un artisan (contre 8 mois pour un sarcophage)… prouvant son importance cruciale pour les égyptiens ! Mais attention, il est indispensable d’y apposer le nom du défunt pour que celui-ci bénéficie du pouvoir de ses formules. Il est désigné comme « un recueil pour sortir au jour et continuer de faire ce qu’on avait l’habitude de faire »… quand on était encore en vie.

Le livre prend sa forme définitive au 6e siècle avant JC. Il est composé de 176 chapitres décrivant le voyage du défunt, en commençant par un passage devant l’ensemble des divinités des grandes villes d’Egypte. Ce rituel appelé « ouverture de la bouche » lui permet de retrouver ses sens perdus : la vue, l’ouïe etc.

Il doit ensuite franchir un certain nombre de portes, afin d’être examiné par les divinités tutélaires du pays. Cette étape lui donnera les connaissances nécessaires pour survivre aux calamités qui l’attendent dans la suite de son périple (par exemple comment éviter les animaux mangeurs de cadavres).

Il passe alors au jour grâce à la barque du dieu Ré : une fois identifié par les génies gardiens du portail, il arrive devant Osiris pour son jugement. C’est l’étape cruciale : s’il réussit, il atteint le paradis du Champ des roseaux. Si non… il est dévoré par un monstre !
Et les 42 juges accompagnant Osiris sont exigeants : le défunt se voit présenter une balance, sur laquelle il doit déposer son cœur. Sur l’autre plateau, la déesse de la justice Mâât a déposé une plume. Pour réussir l’épreuve, il faut que le cœur du défunt pèse autant que cette plume ! S’il est plus lourd, cela signifie que les fautes commises dans sa vie lui interdisent d’accéder au paradis tant espéré.

Heureusement, si les proches du défunt ont pensé à déposer sur le cœur du cadavre une amulette en forme de scarabée, il peut encore être sauvé. Car ce porte-bonheur répondra aux questions des juges à la place du cœur, et défendra systématiquement la pureté du défunt.

Quant au paradis du Champ des roseaux, il est un peu différent de notre conception moderne : il faut y travailler, notamment pour moissonner les champs ! Mais encore une fois, les égyptiens ont prévu une alternative : le mort peut emporter dans sa tombe des ouchebtis, ou serviteurs funéraires, qui feront ces corvées à sa place… De quoi s’assurer un véritable repos éternel !


Bonjour,
Je me permets de vous apporter quelques information au sujet du Livre des morts :
LE LIVRE DES MORTS
Il s’agit, en effet, dans ce livre, non de la mort réelle du corps, mais de cette mort de l’âme, qui n’empêche pas les hommes de vivre. Ce symbolisme, ainsi compris, change complètement l’esprit du livre.
C’est Lepsius qui donna à ce recueil son titre actuel « Todtenbuch ». Champollion, qui n’y avait rien compris, parce qu’il ignorait l’ésotérisme hermétique des prêtres, voulut l’appeler « Rituel funéraire ». Les Égyptiens ne lui avaient pas donné ce titre. C’est un ouvrage très ancien, datant, dit-on, des premiers temps de l’Egypte, et écrit par un ou des auteurs inconnus.
D’abord, nous savons qu’on donne toujours comme très anciens les livres altérés, pour reporter dans un passé lointain les idées nouvelles qu’on y introduit. Ensuite, nous savons aussi que les auteurs « inconnus » sont les Femmes dont on a caché le nom ; les œuvres des hommes ne sont jamais anonymes et les historiens n’en laissent pas perdre la mémoire.
L’ouvrage dont nous nous occupons se compose de sections ou chât (livres) appelés Ro. Il contient des variantes qui laissent supposer plusieurs rédactions ou plusieurs interprétations. C’est le « mort » qui parle, il raconte ce qu’il fait, ce qu’il voit, où il est, etc. Et il faut se rappeler que le surnaturel n’existait pas à cette époque, donc c’était bien quelqu’un, qui était quelque part. La plupart des sections se terminent par la formule : « Celui qui sait ce chapitre », ou « celui qui sait ce livre durant sa vie entrera dans la région de la vie Divine ».
Or la vie Divine, c’est la vie dans les villes qui ont conservé le régime Théogonique, le monde où régnent les Déesses. Ce sont donc des conseils, des leçons donnés aux hommes pour les rendre dignes de vivre parmi ces femmes Divines.
C’est une collection de prières en 165 chapitres.
Le chapitre 125 expose ce qu’il fallait pratiquer ou éviter et fait connaître sous une forme dramatique les conditions morales du salut.
Le chapitre 162 se termine par ces mots : « Ce livre renferme le plus grand des mystères, ne le laisse voir à aucun œil humain (masculin), ce serait un crime, apprends-le, cache-le ».
Voilà qui prouve bien qu’il s’agit de la lutte de sexes.
Cela nous confirme dans l’idée qu’il a été écrit par une femme pour moraliser les hommes, et que c’est cette circonstance qui fait que le livre primitif a été altéré.
En effet, dans la rédaction remaniée qu’on nous donne, Osiris n’est plus « le mort », mais « le seigneur de la vie ». Ce n’est plus la Femme, la Déesse Isis, qui est l’Etre bon, vivant, la grande âme, c’est l’homme qui est devenu tout cela. On a donc corrigé une première rédaction en changeant le rôle des Dieux.
On a vu dans ce livre une allégorie représentant la défaite de la Femme vaincue, et sa résurrection à la vie et à la puissance. On a fait de cela un symbole astronomique. Ra descend dans l’enfer d’Osiris, comme Istar, comme Perséphone, puis elle en sort et renaît à la vie. Sa mort provoque des pleurs, son retour à la puissance s’affirme graduellement par des modifications successives, opérées par des Divinités qui avaient pour mission de faire avancer le soleil (c’est-à-dire l’Esprit qui conçoit la vérité) jusqu’à son lever. Belle image de la renaissance de la Femme à la vie sociale. Ces Divinités devaient changer perpétuellement les conditions des êtres en les faisant renaître. Ceci est l’histoire du progrès à travers les générations.
Après cela venaient des idées obscures, qui ne peuvent avoir été exprimées que par des prêtres cachant, renversant, exagérant une idée primitive qu’ils voulaient à dessein rendre inintelligible.
Tels ces trois paragraphes :
1° Les Justes divinisés, vivant dans l’adoration du soleil, ou constitués gardiens des bassins dans lesquels les corps s’épurent pour le renouvellement.
2° La barque du Dieu Af naviguant dans la région souterraine, en fécondant la larve des hommes promis à la résurrection.
3° Les criminels, les morts enchaînés, renversés, torturés par Toun, Horus et les Génies qui les assistent, puis traînés à la « demeure d’anéantissement ». Des âmes, des ombres sont plongées dans des gouffres de feu, où l’on voit aussi des têtes coupées. A ces gouffres président des bourreaux féminins, des Déesses à tête de lionne qui « vivent des cris des impurs, des rugissements des âmes et des ombres qui leur tendent les bras du fond du gouffre ».
Ce dernier paragraphe a été écrit par un auteur qui a voulu renverser sur les Femmes ce qu’elles avaient dit du séjour infernal, du monde des hommes. Il leur renvoie leurs accusations, en faisant croire que ce sont Elles qui torturent et non Elles qui sont torturées. C’est le système de la « réflexion sexuelle », c’est une façon de donner à la Femme la responsabilité des souffrances infligées par des hommes.
Le « livre des Morts » a été traduit en français par M. Paul Pierret, qui nous dit : « Le livre s’ouvre par une représentation des funérailles. Le traîneau qui porte la momie est escorté par les parents, les pleureuses, les prêtres, qui portent des insignes sacrés, ou lisent les prières prescrites. Les quatorze premiers chapitres, au-dessous desquels se déroule cette procession, introduisent le défunt dans la région souterraine et lui promettent la résurrection, « la vie après la mort » (c’est l’initiation) ». Chacun des mots que je souligne devrait être expliqué. Ainsi, à l’époque qu’on assigne au Livre des Morts, il n’existe pas encore de prêtres. Donc le livre a été remanié à l’époque où les prêtres ont existé, les prières et les insignes sont de la même époque, ainsi que le surnaturel, né du symbolisme destiné à cacher les vérités qui servaient de bases à la Théogonie. Ceci dit, continuons l’exposé de M. Pierret :
Les chapitres XVIII et XIX sont des invocations à Thoth, pour qu’il accorde au mort la faculté de proférer la vérité, privilège divin.
Ici, le mort, c’est l’homme (l’ombre) ; le privilège divin, c’est le privilège féminin.
Dans les chapitres XXX et XLII, on parle des combats de l’âme contre les animaux fantastiques de l’IIadès. Le mort y apprend les paroles sacrées à l’aide desquelles il doit obtenir la victoire.
Les chapitres XLII et LIII s’occupent des maux qui accablent les méchants après la mort (de l’âme) et que l’âme accomplie doit au contraire éviter.
Dans les chapitres LIV et LXV, faveurs qui attendent les âmes accomplies.
Le chapitre LXIV compare la résurrection de l’homme (son retour à la vie morale) au lever du soleil, en mettant en regard l’homme qui sort de son tombeau et le soleil qui émerge de l’horizon.
Chapitre LXXXIX. Réunion de l’âme à son corps (de la Femme-âme à l’homme-corps).
Chapitre XCIX. Le mort arrive à la barque du soleil (symbole de vérité) et y navigue avec lui (le voilà revenu à la vie morale et le tableau suivant indique la vie heureuse qu’il rencontre dans le séjour bienheureux où la réconciliation s’est effectuée).
Chapitre CX. Le mort laboure, sème, moissonne, navigue dans l’Elysée.
Chapitre CXXVI. Invocation aux Génies (les Déesses) chargés d’effacer la souillure du péché.
Chapitre CXXVII et suivants. L’âme est renseignée sur la nature et les habitants des diverses régions célestes qu’elle doit parcourir.
Le chapitre CXXV est l’un des plus intéressants du recueil ; il est intitulé littéralement et en maintenant la forme hiéroglyphique : « Livre d’entrer dans la salle de vérité et de séparer l’homme de ses péchés afin qu’il voie la face des Dieux ».
Le mort adresse aux Dieux l’allocution suivante : « Salut à vous, seigneurs de vérité ; salut à toi, Dieu grand, seigneur de vérité. Je suis venu à toi, mon seigneur, pour voir tes beautés. Je sais ton nom. Je sais le nom des 42 Dieux qui sont avec toi dans la salle de vérité » (1).
Ces 42 Déesses sont les auteurs des 42 livres sacrés des Égyptiens.
(1) La connaissance du nom réel et du nom mystique des Dieux était un secret d’initiation dans la période du sacerdoce masculin ; c’était des noms féminins qu’on ne voulait plus citer, qu’on tenait cachés. Un de ces 42 Dieux est la Déesse Ranen ou Ranon, qui préside aux moissons et symbolise l’alimentation. C’est d’Elle que le mort reçoit le renouvellement de la vie. Nous ne savons pas à quelle époque les prêtres ont altéré ce livre et caché les noms des Déesses, mais c’est certainement après le Xe siècle (avant notre ère). Il n’a pas existé de prêtres avant cette époque.
Cordialement.
J’aimeAimé par 1 personne
Merci beaucoup à vous pour ces précisions détaillées qui montrent une érudition vraiment impressionnante ! Je vois que j’ai encore beaucoup à apprendre sur ce livre, merci de faire profiter mes lecteurs de vos connaissances sur le sujet.
J’aimeJ’aime